Qui est Lindokuhle Sobekwa ?
Lindokuhle Sobekwa est un photographe et documentariste sud-africain de renommée internationale né en 1995 à Katlehong, un township de Johannesburg. Reconnu pour sa capacité à saisir des récits personnels en témoignages universels, il a découvert la photographie en 2012 avec le programme Of Soul and Joy Project initié par la fondation Rubis Mécénat à Thokoza. « Born free », c’est à dire après l’Apartheid, il est formé par les photographes Bieke Depoorter et Cyprien Clément‑Delmas avec lequel il se lie d’amitié et commence une collaboration. La photographie devient son écriture, sa façon de porter un réel et un quotidien invisible au monde.
Les débuts avec Nyaope
Il gagne rapidement en notoriété avec son projet Nyaope, une série poignante sur la dépendance à l’héroïne dans les townships, publiée par le Mail & Guardian (2014), Vice et De Standaard (2015). Aujourd’hui ses premières œuvres sont particulièrement recherchées et sont exposées dans le monde entier comme récemment au réputé Sainsbury Center de Norwich.
Soutenu par une bourse de la Magnum Foundation en 2017‑2018, il a poursuivi sa formation à travers de nombreuses résidences artistiques et a bénéficié depuis d’expositions internationales, notamment à Amsterdam, Cape Town, Londres et Johannesburg.
Complicité créatrice avec Cyprien Clément-Delmas : « Daleside »
De 2015 à 2020, Lindokuhle Sobekwa et le photographe français Cyprien Clément‑Delmas ont collaboré sur leur projet « Daleside: Static Dreams », né lors d’ateliers du programme Of Soul and Joy à Thokoza où ils se sont rencontrés.
À travers leur travail patient, ils ont su gagner la confiance de ce quartier oublié et d’une communauté afrikaner marginalisée, qu’ils qualifient de « static dreamers », des habitants figés entre rêves d’avenir et réalité précaire. Le photo‑book double Daleside, publié en 2020 chez Gost Books, met en regard les visions des deux artistes : la contemplation lumineuse de Clément‑Delmas et le regard documenté et empathique de Sobekwa, dressant un portrait poignant d’inégalités raciales et sociales post-apartheid.
Ce travail des deux photographes a été salué par la critique comme un témoignage mettant en lumière la dignité et la vulnérabilité de ses sujets. Jean-Philippe Rémy du magazine « M », voit « dans Static Dreams des preuves de violence, comme il y a des preuves d’amour », mais il ajoute que « (l’) on voit aussi, justement, beaucoup d’amour. Les hommes, les femmes, les enfants, les adolescents se tiennent avec abandon ou caressent des animaux, un objet, une poupée. Tout cela palpite dans Static Dreams ».
La déchirure intime avec I carry Her Photo With Me
Mack Books publie en 2024 I carry Her Photo With Me, Sobekwa une série photographique de Lindokuhle Sobekwa retraçant la disparition tragique de sa sœur Ziyanda et sa quête de traces, formant une cartographie de l’absence. Cette œuvre bouleversante lui vaut le prestigieux Deutsche Börse Photography Foundation Prize 2025, saluant la puissance de son récit. Dans un article du Guardian signé par Rachel Cooke, Lindokuhle Sobekwa évoque cette disparition, la recherche de sa sœur et dessine en creux de cette disparition fondamentale la présence de l’autre et l’impossible fin de ce deuil à la façon de Marco Bellocchio dans son film Marx può aspettare (2021), revenant sur la disparition de son frère Camillo en 1968.
En 2022 Lindokuhle Sobekwa devient « full member » de la prestigieuse agence Magnum Photos — après avoir été successivement « nominee », puis « associate » — et continue de produire une œuvre engagée, explorant mémoire familiale, cicatrices de l’apartheid et quotidien des townships tout en inspirant une nouvelle génération de photographes sud-africains.